Des êtres différents, il y en a à la tonne et il y a des tonnes de différences.
Je suis différente. Selon les critères psycho-médicaux, je serais une douée doublée d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité et impulsivité.
Selon moi, je vis un paradoxe, un déchirement.
À ma naissance, le médecin avait provoqué l’accouchement.
Malheureusement, mon cordon ombilical était enroulé autour de mon cou (peut-être une première conséquence de mon hyperactivité) et toutes les poussées faisaient ralentir et parfois même arrêter mon cœur.
Je voulais naître. Je savais que j’aimerais la vie. Mais je n’étais pas prête, comme l’indiquaient signes de prématurité sur mon petit corps, finalement né sans séquelles.
J’aurais aimé que mon rythme soit respecté et pouvoir naître à ce monde avec la maturité nécessaire.
J’hésitais. J’avais un choix à faire. Du haut de mes 19 pouces, j’avais le pouvoir de choisir.
Comme si j’avais conscience que de naître à ce monde me demanderait beaucoup d’adaptations et que de retourner au monde que je connaissais, qui m’était le plus familier et le plus confortable me priverait aussi d’expérimenter toute la richesse de la vie sur terre.
Évidemment, puisque j’écris ces lignes, j’ai choisi de naître ici, dans un monde physique.
Agacée et légèrement dégoûtée par la pression d’accélérer le processus à cause de la décision du médecin, j’ai quand même décider de lui faire un pied de nez et de plutôt donner la chance à ma mère, qui s’inquiétait déjà de l’impact de ses poussées sur ma vie, et à mon père, qui partageait mon déchirement et ma douleur de l’autre côté de la salle d’accouchement, d’accueillir la vie et ma lumière.
Ainsi, encore connectée à l’autre dimension, à mon monde subtil, je me suis incarnée physiquement et j’ai fait les efforts nécessaire pour m’y adapter.
Je suis en santé, et je crois que j’ai quelque chose comme une bonne étoile, j’ai pris la bonne décision.
Chaque jour, je ressens ce déchirement. Le même qu’au jour de ma naissance.
Que ce soit la pression de répondre à une question, de remplir un examen ou un formulaire, de communiquer mes objectifs, de faire un choix de carrière, de satisfaire aux besoins de mon entourage, les occasions sont nombreuses pour me rappeler que mon rythme n’est pas celui de tous.
Parfois, on dit que je procrastine, que je fuis ou que je suis en retard.
Parallèlement, il y a aussi beaucoup de situations qui ne vont pas assez vite pour moi.
J’ai compris la notion, j’ai entendu le message, j’ai ressenti le besoin de mon prochain, mais là, ce sont les autres qui ne sont pas prêts. Je dois attendre.
Ils sont nombreux les autres et je n’ai pas envie d’attendre pour agir de la façon que je trouve la plus juste.
Entre les deux vitesses, j’ai créé une brèche dans le temps et je m’y réfugie régulièrement. Dans cet espace accessible depuis l’intérieur de mes pensées, je suis confortable. Je connais toutes les aires, je sais que je ne contrôle pas tout, mais je suis capable de le respecter, d’avoir confiance au temps qui réuni les choses.
Mais dans cette brèche, je ne peux amener personne. Et le dilemme se réinstalle.
Quitter ma zone de confort pour affronter le monde et son trafic, ou m’installer en télé-travail et progresser, seule.
Évidemment, puisque j’écris ces lignes, j’ai choisi de quitter ma zone de confort et d’essayer d’expliquer dans mes mots ce que je ressens quand ma différence me saute aux sens.
Ce qui me rend fière malgré ma différence, ce ne sont pas mes accomplissements professionnels qui sont bien mesurables, le développement de mes enfants auquel je contribue comme je peux, ni les décisions que j’ai prises et que j’ai menées jusqu’au bout. Ca peut paraître cliché, mais je suis fière de chaque journée que j’accomplis, parce que je pourrais facilement trouver des raisons d’abandonner ou de fuir, mais je choisi toujours de sortir de ma zone de confort et je fais toujours de mon mieux.
Et au final, qu’est-ce que j’aurai vraiment accompli de valable? Je pense que la seule réponse valable est: une vie, j’aurai accompli une vie sur terre!